Comment sortir du piège

Éclipsé dans l’actualité par le show du G7, le symposium annuel de Jackson Hole, aux États-Unis, vient de se terminer. Il avait cette année comme thème « les défis de la politique monétaire », une formulation fort à propos étant donné les interrogations que celle-ci soulève pour la suite. Suscitant des divergences marquées d’appréciation au sein de la Fed, à lire les minutes de sa dernière réunion, ou bien la conviction qui se répand que la situation dépasse les banques centrales et que d’y répondre n’est pas de leur ressort.

Dans ce dernier cas se range sans ambiguïtés Lawrence Summers, désormais professeur à Harvard, qui considère que les banques centrales ne peuvent plus avoir de prise sur l’inflation avec leurs moyens monétaires. L’Europe et le Japon sont selon lui tombés dans un « trou noir », un piège à liquidités au sein duquel les marges d’une politique monétaire expansionniste sont des plus réduites.

Polémique, il conclut que « dans le contexte d’une stagnation séculaire affectant les économies développées, il est vain que les banquiers centraux rivalisent d’ingéniosité en cherchant à affiner leur mesures d’assouplissement monétaire. » Ils feraient mieux d’avouer leur impuissance, créant ainsi une incitation à ce que les gouvernements agissent sur la demande en utilisant leur politique budgétaire.

Défi pour défi, le gouverneur de la Banque d’Angleterre Mark Carney a fait part d’une vision prospective audacieuse allant bien plus loin. Observant que le dollar déstabilise l’économie mondiale, à l’ombre d’un Donald Trump dont la menace a pesé sur toute la réunion, il constate lui aussi que sa prédominance accroît le risque d’apparition d’un piège à liquidités, et que les moyens monétaires ne permettent pas de sortir de la faible croissance et inflation de la nouvelle donne actuelle.

Pour en sortir, le gouverneur préconise rien de moins qu’une réorganisation du système monétaire international autour d’une monnaie synthétique reposant sur un réseau de monnaies numériques. Première étape, les ressources du FMI seraient triplées afin de consolider le système actuel tout en créant une alternative à la détention d’énormes paquets de dettes libellées en dollar. L’un des participants au symposium ne manquant pas de rappeler la phrase restée célèbre «  le dollar est notre monnaie mais votre problème ».

Quelle drôle de tournure la réunion des banquiers centraux a pris en réaction aux dangereuses et imprévisibles foucades de Donald Trump ! Ils ne lui pardonnent pas ses brutales pressions réitérées afin d’imposer à la Fed une baisse drastique de son taux, induisant une dévalorisation du dollar qui ferait entrer le monde de plain-pied dans la guerre des monnaies. Dernier épisode, il a tweeté qu’il ne serait pas opposé à une démission de Jerome Powell, son président qu’il a pourtant nommé. À Jackson Hole, ce dernier a reçu le soutien de ses pairs. Et il a été imprimé à la réflexion une nouvelle dynamique dans un sens que Donald Trump n’a pas recherché.

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